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Phrases de Victor Hugo
L'Alhambra! l'Alhambra! palais que les Génies Ont doré comme un rêve et rempli d'harmonies; Forteresse aux créneaux festonnés et croulants Où l'on entend la nuit de magiques syllabes, Quand la lune, à travers les mille arceaux arabes, Sème les murs de trèfles blancs!
Au Nil je le retrouve encore. L'Egypte resplendit des feux de son aurore; Son astre impérial se lève à l'orient. Vainqueur, enthousiaste, éclatant de prestiges, Prodige, il étonna la terre des prodiges. Les vieux scheiks vénéraient l'émir jeune et prudent; Le peuple redoutait ses armes inouïes; Sublime, il apparut aux tribus éblouies Comme un Mahomet d'Occident.
Toujours lui! lui partout! Ou brûlante ou glacée, Son image sans cesse ébranle ma pensée.
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent; ce sont Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front, Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime, Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime.
Le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.
Lhomme est une prison où lâme reste libre.
[ ] l'enfant ne sera plus Une bête de somme attelée à Virgile; Et l'on ne verra plus ce vif esprit agile Devenir, sous le fouet d'un cuistre ou d'un abbé, Le lourd cheval poussif du pensum embourbé. Chaque village aura, dans un temple rustique, Dans la lumière, au lieu du ma gis ter antique, Trop noir pour que jamais le jour y pénétrât, L'instituteur lucide et grave, magistrat Du progrès, médecin de l'ignorance, et prêtre De l'idée; et dans l'ombre on verra disparaître L'éternel écolier et l'éternel pédant.
[ ] dans nos regards vains Brillent nos plans chétifs que nous croyons divins, Nos vux, nos passions que notre orgueil encense, Et notre petitesse, ivre de sa puissance; Et, bouffis d'ignorance ou gonflés de venin, Notre prunelle éclate et dit: Je suis ce nain!
L'être pour l'être est sphinx. L'aube au jour parait blême L'éclair est noir pour le rayon. [...] La cendre ne sait pas ce que pense le marbre; L'écueil écoute en vain le flot; la branche d'arbre Ne sait pas ce que dit le vent.
Si vous n'avez rien à me dire, Pourquoi venir auprès de moi? Pourquoi me faire ce sourire Qui tournerait la tête au roi?
Dieu n'avait fait que l'eau, mais l'homme a fait le vin!
Dieu! pourquoi l'orphelin dans ses langes funèbres Dit-il «J'ai faim.» L'enfant n'est-ce pas un oiseau? Pourquoi le nid a-t-il ce qu'il manque au berceau?
Tout est douleur. Les fleurs souffrent sous le ciseau, Et se ferment ainsi que des paupières closes, Toutes les femmes sont teintes du sang des roses; La vierge au bal, qui danse, ange aux fraîches couleurs ... Respire en souriant un bouquet d'agonie.
Car le mot, c'est le Verbe, et le Verbe, c'est Dieu.
Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant.
Ce livre est écrit beaucoup avec le rêve, un peu avec le souvenir. Rêver est permis aux vaincus; se souvenir est permis aux solitaires.
Depuis six mille ans, la guerre Plaît aux peuples querelleurs, Et Dieu perd son temps à faire Les étoiles et les fleurs.
Toute la loi d'en haut est dans un mot: aimer. Peuple, cria le prêtre, on vient de blasphémer.
« Le livre d'en haut dit: Qui que tu sois, qui somme L'Être de s'expliquer et le sphinx d'être clair, Qui que tu sois qui veux saisir l'eau, tenir l'air, Donner à la nuée une forme, et qui plonges, Avec ta nasse, bonne à la pêche des songes, Dans le sinistre abîme où flotte ce mot: Dieu; Qui que tu sois, qui viens forcer l'ombre à l'aveu, Tâter la certitude avec ta main peu sûre, Au temple sidéral adosser ta masure, Et désigner à l'Être un texte, un nombre, un lieu; Homme, qui que tu sois, qui viens faire du feu Sous la foudre, allumer ta lampe sous l'étoile, Et dire à l'univers sans fond: Lève-toi, voile! Qui que tu sois qui prends l'impossible aux cheveux, Qui prononces ces mots inutiles: Je veux, Je sais, je suis, je crois, je sauve, je ranime; Qui que tu sois qui dis à l'Être: « Allons, abîme, Réponds, puisque c'est moi qui t'ai questionné! » Sache que ta folie est sombre, infortuné!
Un dogme est l'oiseleur guettant dans la forêt, Qui, parce qu'il a pris un passereau, croirait Avoir tous les oiseaux du ciel bleu dans sa cage.
Quatre anges se tenaient aux quatre coins du monde; Ces anges arrêtaient au vol les quatre vents, Pour qu'aucun vent ne pût souffler sur les vivants, Ni troubler le sommet des montagnes de marbre, Ni soulever un flot, ni remuer un arbre.
Ainsi sur ce troupeau frémissant, immobile, Lugubre et stupéfait, qu'on nomme Humanité, Tombent, du fond de l'ombre et de l'éternité, On ne sait quels lambeaux de chimère et d'histoire
Chaque fois que celui qui doit enseigner, ment, Chaque fois que d'un traître il jaillit un serment, Chaque fois que le juge, après une prière, Jette au peuple ce mot: Justice! et, par derrière, Tend une main hideuse à l'or mystérieux, Chaque fois que le prêtre, époussetant ses dieux, Chante au crime hosanna, bat des mains aux désastres Et dit: gloire à César! là-haut, parmi les astres, Dans l'azur qu'aucun souffle orageux ne corrompt, Christ frémissant essuie un crachat sur son front.
Pas un autel sur terre, hélas! N'est sans remords.
Désobéir, c'est chercher.
Les maîtres d'écoles sont des jardiniers en intelligences humaines.
Mieux vaut une conscience tranquille qu'une destinée prospère. J'aime mieux un bon sommeil qu'un bon lit.
Vous qui cherchez à plaire ne mangez pas l'enfant dont vous aimez la mère.
L'avenir, fantôme aux mains vides, Qui promet et qui n'a rien!
Qui donne aux pauvres prête à Dieu. Et j'ajoute: qui donne aux albums prête à rire.
Vous m'offrez la cité, je préfère les bois; Car je trouve, voyant les hommes que vous êtes, Plus de cur aux rochers, moins de bêtise aux bêtes.
Et quand un grave Anglais, correct, bien mis, beau linge, Me dit: Dieu t'a fait homme et moi je te fais singe; Rends-toi digne à présent d'une telle faveur! Cette promotion me laisse un peu rêveur.
Le monde est à plat ventre, et l'homme, altier naguère, doux et souple aujourd'hui, tremble. Paix! dit la guerre.
Tu es blanche, et je suis noir; mais le jour a besoin de sunir à la nuit pour enfanter laurore et le couchant qui sont plus beaux que lui!
Lexcès de la lâcheté a aussi son courage.
[ ] Dieu merci! celui que vous voulez faire mourir est mort. Il ne vous a pas attendu. Le commissaire, furieux de voir sévanouir sa conspiration avec son conspirateur, murmura entre ses dents: « Il est mort! cest dommage! » Le général lentendit et sécria indigné: « Il vous reste encore une ressource, citoyen représentant du peuple! Allez chercher le corps du capitaine dAuverney dans les décombres de la redoute. Qui sait? les boulets ennemis auront peut-être laissé la tête du cadavre à la guillotine nationale! »
Au moment où l'aide le liait sur la hideuse mécanique, il fit signe au prêtre de prendre la pièce de 5 francs qu'il avait en sa main droite, et lui dit: "Pour les pauvres". Comme huit heures sonnait en ce moment, le bruit du beffroi de l'horloge couvrit sa voix, et le confesseur lui répondit qu'il n'entendait pas. Claude attendit l'intervalle de deux coups et répéta avec douceur: "Pour les pauvres". Le huitième coup n'était pas encore sonné que cette noble et intelligente tête était tombée.
Vêtu de probité candide et de lin blanc.
Un jour, espérons-le, le globe sera civilisé. Tous les points de la demeure humaine seront éclairés, et alors sera accompli le magnifique rêve de l'intelligence: avoir pour patrie le Monde et pour nation l'Humanité.
Le hasard a pétri la cendre avec l'instant; Cet amalgame est l'homme. Or, moi-même n'étant Comme vous que matière, ah! je serais stupide D'être hésitant et lourd quand la joie est rapide, De ne point mordre en hâte au plaisir dans la nuit, Et de ne pas goûter de tout, puisque tout fuit!
Quand Dieu, qui pourrait tout faire du bout du doigt, M'escamote en avril le printemps qu'il me doit, Mauvais payeur faisant faillite aux échéances; Quand, le bien-être étant une de nos créances, Ce Dieu, qui n'est pas Dieu s'il n'est la probité, Nous donne trop d'hiver et pas assez d'été; [...] Quand, sans pitié pour l'être affreux qu'il met au monde, Procréant au hasard le laid, l'abject, l'immonde, Il manque Antinoüs et réussit Veuillot, J'aime mieux, ne voyant à personne à bon lot Douter qu'il soit, plutôt que de conclure en somme Que cet honnête Dieu n'est pas un honnête homme.
Ce que Paris conseille, l'Europe le médite; ce que Paris commence, l'Europe le continue.
Enfin, il y a un livre, un livre qui semble d'un bout à l'autre une émanation supérieure, un livre qui est pour l'univers ce que le Koran est pour l'islamisme, ce que les Védas sont pour l'Inde, un livre qui contient toute la sagesse humaine éclairée par toute la sagesse divine, un livre que la vénération des peuples appelle le livre, la Bible!
Le livre, comme livre, appartient à l'auteur, mais comme pensée, il appartient -le mot n'est pas trop vaste- au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l'un des deux droits, le droit de l'écrivain et le droit de l'esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l'écrivain, car l'intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous
Les coupables seront châtiés, certes, tous les coupables, et châtiés sévèrement, il le faut; mais pas une tête ne tombera; pas une goutte de sang, pas une éclaboussure déchafaud ne tachera la robe immaculée de la République de Février. La tête même du brigand de décembre sera respectée avec horreur par le progrès. La révolution fera de cet homme un plus grand exemple en remplaçant sa pourpre dempereur par la casaque de forçat. Non, nous ne répliquerons pas à léchafaud par léchafaud. Nous répudions la vieille et inepte loi du talion. Comme la monarchie, le talion fait partie du passé; nous répudions le passé. La peine de mort, glorieusement abolie par la république en 1848, odieusement rétablie par Louis Bonaparte, reste abolie pour nous, abolie à jamais. Nous avons emporté dans lexil le dépôt sacré du progrès; nous le rapporterons à la France fidèlement. Ce que nous demandons à lavenir, ce que nous voulons de lui, cest la justice, ce nest pas la vengeance
L'Atlantique ronge nos côtes. [ ]. Ce prodigieux travail, aujourd'hui ralenti, a été terrible. Il a fallu pour le contenir cet éperon immense, le Finistère. Qu'on juge de la force du flux polaire et de la violence de cet affouillement par le creux qu'il a fait entre Cherbourg et Brest. [ ]. La dernière voie de fait décisive de l'océan sur notre côte a pourtant date certaine. En 709, soixante ans avant l'avènement de Charlemagne, un coup de mer a détaché Jersey de la France. D'autres sommets des terres antérieurement submergées sont, comme Jersey, visibles. Ces pointes qui sortent de l'eau, sont des îles. C'est ce qu'on nomme l'archipel normand.
Les révolutions sont de magnifiques improvisatrices. Un peu échevelées quelquefois.
En France, que de gens à longues oreilles: ânes en littérature, lièvres en politique!
Avant une république, ayons, s'il se peut, une chose publique.
Très bonne loi électorale (quand le peuple saura lire): Article premier. Tout Français est électeur. Article II. Tout Français est éligible
Le jour où Louis-Philippe tombera du trône, il ne se fera pas maître d'école, comme Denys de Syracuse, mais épicier.
Sans la moindre métaphore et dans toute l'acception du mot, vivre, c'est brûler.
Le plus excellent symbole du peuple, c'est le pavé. On marche dessus jusqu'à ce qu'il vous tombe sur la tête.
En France, il y a toujours une révolution possible à l'état de calorique latent
Égalité, traduction en langue politique du mot envie
Ne soyons plus anglais ni français ni allemands. Soyons européens. Ne soyons plus européens, soyons hommes. - Soyons l'humanité. Il nous reste à abdiquer un dernier égoïsme: la patrie.
Larmée faite féroce par lAlgérie. Le général Le Flô me disait hier soir: "Dans les prises dassaut, dans les razzias, il nétait pas rare de voir les soldats jeter par les fenêtres des enfants que dautres soldats en bas recevaient sur la pointe de leurs baïonnettes. Ils arrachaient les boucles doreilles aux femmes et les oreilles avec, ils leur coupaient les doigts des pieds et des mains pour prendre leurs anneaux. Quand un Arabe était pris, tous les soldats devant lesquels il passait pour aller au supplice lui criaient en riant: cortar cabeza! Le frère du général Marolles, officier de cavalerie, reçut un enfant sur la pointe de son sabre, Il en a du moins la réputation dans larmée, et sen est mal justifié." Atrocités du général Négrier. Colonel Pélissier: les Arabes fumés vifs.
On contemplait la mer, on écoutait le vent, on se sentait gagner par lassoupissement de lextase. Quand les yeux sont remplis dun excès de beauté et de lumière, cest une volupté de les fermer. Tout à coup on se réveillait. Il était trop tard. La marée avait grossi peu à peu. Leau enveloppait le rocher. On était perdu. Redoutable blocus que celui-ci : la mer montante. La marée croît insensiblement dabord, puis violemment. Arrivée aux rochers, la colère la prend, elle écume.
Or si jamais un rêve avait été impraticable et insensé, cétait celui-ci: sauver la machine échouée sur les Douvres. Envoyer travailler sur ces roches un navire et un équipage serait absurde; il ny fallait pas songer. Cétait la saison des coups de mer; à la première bourrasque les chaînes des ancres seraient sciées par les crêtes sous-marines des brisants, et le navire se fracasserait à lécueil. Ce serait envoyer un deuxième naufrage au secours du premier. Dans lespèce de trou du plateau supérieur où sétait abrité le naufragé légendaire mort de faim, il y avait à peine place pour un homme. Il faudrait donc que, pour sauver cette machine, un homme allât aux rochers Douvres, et quil y allât seul, seul dans cette mer, seul dans ce désert, seul à cinq lieues de la côte, seul dans cette épouvante, seul des semaines entières, seul devant le prévu et limprévu, sans ravitaillement dans les angoisses du dénûment, sans secours dans les incidents de la détresse, sans autre trace humaine que celle de lancien naufragé expiré de misère là, sans autre compagnon que ce mort. Et comment sy prendrait-il dailleurs pour sauver cette machine? Il faudrait quil fût non seulement matelot, mais forgeron. Et à travers quelles épreuves! Lhomme qui tenterait cela serait plus quun héros. Ce serait un fou.
Gilliatt monta sur la grande Douvre. [ ] Louest était surprenant. Il en sortait une muraille. Une grande muraille de nuée, barrant de part en part létendue, montait lentement de lhorizon vers le zénith. Cette muraille, rectiligne, verticale, sans une crevasse dans sa hauteur, sans une déchirure à son arête, paraissait bâtie à léquerre et tirée au cordeau. Cétait du nuage ressemblant à du granit. [ ]. Cette muraille de lair montait tout dune pièce en silence. Pas une ondulation, pas un plissement, pas une saillie qui se déformât ou se déplaçât. Cette immobilité en mouvement était lugubre. Le soleil, blême derrière on ne sait quelle transparence malsaine, éclairait ce linéament dapocalypse. La nuée envahissait déjà près de la moitié de lespace. On eût dit leffrayant talus de labîme. Cétait quelque chose comme le lever dune montagne dombre entre la terre et le ciel. Cétait en plein jour lascension de la nuit. [ ]. Le ciel, qui de bleu était devenu blanc, était de blanc devenu gris. [ ]. Pas un souffle, pas un flot, pas un bruit. [ ]. Les oiseaux sétaient cachés. On sentait de la trahison dans linfini. Le grossissement de toute cette ombre samplifiait insensiblement. La montagne mouvante de vapeurs qui se dirigeait vers les Douvres était un de ces nuages quon pourrait appeler les nuages de combat. Nuages louches. à travers ces entassements obscurs, on ne sait quel strabisme vous regarde. Cette approche était terrible.
Pour croire à la pieuvre, il faut lavoir vue. Comparées à la pieuvre, les vieilles hydres font sourire. [ ]. Orphée, Homère et Hésiode nont pu faire que la Chimère; Dieu a fait la pieuvre. Quand Dieu veut, il excelle dans lexécrable. Le pourquoi de cette volonté est leffroi du penseur religieux. Tous les idéals étant admis, si lépouvante est un but, la pieuvre est un chef-doeuvre.
La pieuvre na pas de masse musculaire, pas de cri menaçant, pas de cuirasse, pas de corne, pas de dard, pas de pince, pas de queue prenante ou contondante, pas dailerons tranchants, pas dailerons onglés, pas dépines, pas dépée, pas de décharge électrique, pas de virus, pas de venin, pas de griffes, pas de bec, pas de dents. La pieuvre est de toutes les bêtes la plus formidablement armée. Quest-ce donc que la pieuvre? Cest la ventouse.
Gilliatt avait silencieusement accosté les Bravées, et avait amarré la panse à lanneau de la durande sous la fenêtre de mess Lethierry. Puis il avait sauté par-dessus le bordage et pris terre. Gilliatt, laissant derrière lui la panse à quai, tourna la maison, longea une ruette, puis une autre, ne regarda même pas lembranchement de sentier qui menait au bû de la rue, et au bout de quelques minutes, sarrêta dans ce recoin de muraille où il y avait une mauve sauvage à fleurs roses en juin, du houx, du lierre et des orties. [ ]. Comme une bête rentrée au trou, glissant plutôt que marchant, il se blottit. Une fois assis, il ne fit plus un mouvement.
Le vieillard regarda le canonnier. - Approche, dit-il. Le canonnier fit un pas. Le vieillard se tourna vers le comte du Boisberthelot, détacha la croix de Saint-Louis du capitaine, et la noua à la vareuse du canonnier. - Hurrah! crièrent les matelots. Les soldats de marine présentèrent les armes. Et le vieux passager, montrant du doigt le canonnier ébloui, ajouta: - Maintenant, quon fusille cet homme. La stupeur succéda à lacclamation. [ ]. Lhomme à la veste duquel brillait la croix de Saint-Louis courba la tête.
Il tira de sa poche un carnet et un crayon, et écrivit sur le carnet le chiffre 128. [ ]. Le capitaine marqua sur son carnet le chiffre 52. [ ]. Et il écrivit au-dessous du chiffre 52 le chiffre 40 [ ]. Le capitaine écrivit au-dessous des premiers chiffres, 160. [ ]. Le capitaine avait lil fixé sur son carnet et additionnait entre ses dents. - Cent vingt-huit, cinquante-deux, quarante, cent soixante. En ce moment La Vieuville remontait sur le pont. - Chevalier, lui cria le capitaine, nous sommes en présence de trois cent quatre-vingts pièces de canon. - Soit, dit La Vieuville. - Vous revenez de linspection, La Vieuville; combien décidément avons-nous de pièces en état de faire feu? - Neuf. - Soit, dit à son tour Boisberthelot.
Ah oui, c'est vrai, tu as raison, j'ai tué ton frère. Ton frère avait été courageux, je l'ai récompensé; il avait été coupable, je l'ai puni. Il avait manqué à son devoir, je n'ai pas manqué au mien. Ce que j'ai fait, je le ferais encore. [ ] en pareil cas, de même que j'ai fait fusiller ton frère, je ferais fusiller mon fils.
Le regard devient fixe en présence de ce sommet. Jamais rien de plus haut n'est apparu sur l'horizon des hommes. Il y a l'Himalaya et il y a la Convention. La Convention est peut-être le point culminant de l'histoire.
Telle était cette Convention démesurée; camp retranché du genre humain attaqué par toutes les ténèbres à la fois, feux nocturnes d'une armée d'idées assiégées, immense bivouac d'esprits sur un versant d'abîme. Rien dans l'histoire n'est comparable à ce groupe, à la fois sénat et populace, conclave et carrefour, aréopage et place publique, tribunal et accusé. La Convention a toujours ployé au vent; mais ce vent sortait de la bouche du peuple et était le souffle de Dieu. Et aujourd'hui, après quatre-vingts ans écoulés, chaque fois que devant la pensée d'un homme, quel qu'il soit, historien ou philosophe, la Convention apparaît, cet homme s'arrête et médite. Impossible de ne pas être attentif à ce grand passage d'ombres.
A la Convention lintempérance de langage était de droit. Les menaces volaient et se croisaient dans la discussion comme les flammèches dans lincendie. [...] - UNE VOIX: Mort à Marat ! - MARAT: Le jour où Marat mourra, il ny aura plus de Paris, et le jour où Paris périra, il ny aura plus de République.
Un jour, cette séance [de la Convention] a eu pour témoin le vieux Buonarotti, Robespierre prend la parole et parle deux heures, regardant Danton, tantôt fixement, ce qui était grave, tantôt obliquement, ce qui était pire. Il foudroie à bout portant. Il termine par une explosion indignée, pleine de mots funèbres [...] Et quand Robespierre a fini, Danton, la face au plafond, les yeux à demi fermés, un bras pendant par-dessus le dossier de son banc, se renverse en arrière, et on lentend fredonner: Cadet Roussel fait des discours Qui ne sont pas longs quand ils sont courts.
- Le marquis de Lantenac a l'honneur d'informer son petit-neveu, monsieur le vicomte Gauvain, que, si monsieur le marquis a la bonne fortune de se saisir de sa personne, il fera bellement arquebuser monsieur le vicomte. [...] Il se retourna, et éclaira de sa lanterne une autre affiche placée en regard de la première sur l'autre battant de la porte. Le voyageur lut: - Gauvain prévient Lantenac que s'il le prend il le fera fusiller.
La Tour-Gauvain avait une destinée étrange: un Gauvain l'attaquait, un Gauvain la défendait.
Cette grande charrette avec son chargement voilé d'une sorte de suaire, cet attelage, ces gendarmes, le bruit de ces chaînes, le silence de ces hommes, l'heure crépusculaire, tout cet ensemble était spectral.
Tuer Lantenac, c'était tuer la Vendée; tuer la Vendée, c'était sauver la France. Cimourdain n'hésitait pas. Cet homme était à l'aise dans la férocité du devoir.
Qu'est-ce, sergent Radoub? - Citoyen commandant, nous, les hommes du bataillon du Bonnet-Rouge, nous avons une grâce à vous demander. - Laquelle? - De nous faire tuer. - Ah! dit Gauvain. - Voulez-vous avoir cette bonté? - Mais c'est selon, dit Gauvain. - Voici, commandant. Depuis l'affaire de Dol, vous nous ménagez. Nous sommes encore douze. - Eh bien? - Ça nous humilie. - Vous êtes la réserve. - Nous aimons mieux être l'avant-garde.
Un désespoir calme, froid, sinistre.
Un grand cri s'éleva: - Tous sont sauvés! Tous étaient sauvés, en effet, excepté le vieillard. [ ] - Je t'arrête, dit Cimourdain. - Je t'approuve, dit Lantenac.
Gauvain venait d'assister à un prodige. En même temps que le combat terrestre, il y avait eu un combat céleste. Le combat du bien contre le mal. Un cur effrayant venait d'être vaincu. Etant donné l'homme avec tout ce qui est mauvais en lui, la violence, l'erreur, l'aveuglement, l'opiniâtreté malsaine, l'orgueil, l'égoïsme, Gauvain venait de voir un miracle. La victoire de l'humanité sur l'homme. L'humanité avait vaincu l'inhumain. Et par quel moyen? de quelle façon? comment avait-elle terrassé un colosse de colère et de haine ? quelles armes avait-elle employées? quelle machine de guerre? le berceau.
Quel champ de bataille que l'homme! Nous sommes livrés à ces dieux, à ces monstres, à ces géants, nos pensées.
Cimourdain se tourna vers Radoub. - Vous votez pour que l'accusé soit absous? - Je vote, dit Radoub, pour qu'on le fasse général. - Je vous demande si vous votez pour qu'il soit acquitté. - Je vote pour qu'on le fasse le premier de la république. - Sergent Radoub, votez-vous pour que le commandant Gauvain soit acquitté, oui ou non? - Je vote pour qu'on me coupe la tête à sa place. - Acquittement, dit Cimourdain.
Une sombre colère entourait Cimourdain. Quatre mille hommes contre un seul, il semble que ce soit une force; ce n'en est pas une. Ces quatre mille hommes étaient une foule, et Cimourdain était une volonté.
Tout dépendait de lui. Ce qu'il avait fait comme juge martial, seul, il pouvait le défaire comme délégué civil. Seul il pouvait faire grâce. Il avait pleins pouvoirs; d'un signe il pouvait mettre Gauvain en liberté; il était le maître de la vie et de la mort; il commandait à la guillotine. En ce moment tragique, il était l'homme suprême.
Soit. Vous voulez le service militaire obligatoire. Contre qui? contre d'autres hommes. Moi, je ne veux pas de service militaire. Je veux la paix. Vous voulez les misérables secourus, moi je veux la misère supprimée. Vous voulez l'impôt proportionnel. Je ne veux point d'impôt du tout. Je veux la dépense commune réduite à sa plus simple expression et payée par la plus-value sociale.
Gauvain reprit: - Et la femme? qu'en faites-vous? Cimourdain répondit: - Ce qu'elle est. La servante de l'homme. - Oui. A une condition. - Laquelle? - C'est que l'homme sera le serviteur de la femme. - Y penses-tu? s'écria Cimourdain, l'homme serviteur! jamais. L'homme est maître. Je n'admets qu'une royauté, celle du foyer. L'homme chez lui est roi. - Oui. A une condition. - Laquelle? - C'est que la femme y sera reine. - C'est-à-dire que tu veux pour l'homme et pour la femme - L'égalité. - L'égalité! y songes-tu? les deux êtres sont divers. - J'ai dit l'égalité. Je n'ai pas dit l'identité.
Un monstre de pierre faisant pendant au monstre de bois. Et, disons-le, quand l'homme a touché au bois et à la pierre, le bois et la pierre ne sont plus ni bois ni pierre, et prennent quelque chose de l'homme. Un édifice est un dogme, une machine est une idée.
La Tourgue, c'était la monarchie; la guillotine, c'était la révolution.
Les larmes des soldats sont terribles.
Et ces deux âmes, soeurs tragiques, s'envolèrent ensemble, l'ombre de l'une mêlée à la lumière de l'autre.
Ce tout petit changement avait été une révolution.
Dans les premiers temps, quand on le vit commencer, les bonnes âmes dirent: C'est un gaillard qui veut s'enrichir. Quand on le vit enrichir le pays avant de s'enrichir lui-même, les mêmes bonnes âmes dirent: C'est un ambitieux.[ ] Ceux qui avaient déclaré ce nouveau venu « un ambitieux », saisirent avec transport cette occasion que tous les hommes souhaitent de s'écrier: « Là! qu'est-ce que nous avions dit? ». [ ] Quelques jours après, la nomination parut dans le Moniteur. Le lendemain, le père Madeleine refusa. [ ] Nouvelle rumeur dans la petite ville. Eh bien! c'est la croix qu'il voulait! Le père Madeleine refusa la croix. [ ] Décidément cet homme était une énigme. Les bonnes âmes se tirèrent d'affaire en disant: Après tout, c'est une espèce d'aventurier. [ ] Quand on l'avait vu gagner de l'argent, on avait dit: c'est un marchand. Quand on l'avait vu semer son argent, on avait dit: c'est un ambitieux. Quand on l'avait vu repousser les honneurs, on avait dit: c'est un aventurier. Quand on le vit repousser le monde, on dit: c'est une brute. [ ]. Ce fut là la troisième phase de son ascension. Le père Madeleine était devenu monsieur Madeleine, monsieur Madeleine devint monsieur le maire.
Les livres sont des amis froids et sûrs.
L'il de l'esprit ne peut trouver nulle part plus d'éblouissements ni plus de ténèbres que dans l'homme; il ne peut se fixer sur aucune chose qui soit plus redoutable, plus compliquée, plus mystérieuse et plus infinie. Il y a un spectacle plus grand que la mer, c'est le ciel; il y a un spectacle plus grand que le ciel, c'est l'intérieur de l'âme.
La conscience, c'est le chaos des chimères, des convoitises et des tentations, la fournaise des rêves, l'antre des idées dont on a honte; c'est le pandémonium des sophismes, c'est le champ de bataille des passions.
Voyager, c'est naître et mourir à chaque instant.
Penser, voilà le triomphe vrai de lâme.
Nous sommes pour la religion contre les religions.
La vie, le malheur, l'isolement, l'abandon, la pauvreté, sont des champs de bataille qui ont leurs héros; héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres.
La pensée est le labeur de lintelligence, la rêverie en est la volupté.
Remplacer la pensée par la rêverie, cest confondre un poison avec une nourriture.
L'âme qui aime et qui souffre est à l'état sublime.
D'autres auteurs d'aphorismes
Thomas More
Vladimir Nabokov
L'homme et sa sécurité doivent constituer la première préoccupation de toute aventure technologique.
Albert Einstein