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Phrases de Charles Baudelaire
Le vin est semblable à l'homme: on ne saura jamais jusqu'à quel point on peut l'estimer et le mépriser, l'aimer et le haïr, ni de combien d'action sublimes ou de forfaits monstrueux il est capable. Ne soyons donc pas plus cruels envers lui qu'envers nous-mêmes, et traitons-le comme notre égal.
J'ai souvent pensé que si Jésus Christ paraissait aujourd'hui sur le banc des accusés, il se trouverait quelque procureur qui démontrerait que son cas est aggravé par la récidive. Quant au vin, il récidive tous les jours. Tous les jours il répète ses bienfaits. C'est sans doute ce qui explique l'acharnement des moralistes contre lui. Quand je dis moralistes, j'entends pseudo-moralistes pharisiens.
S'il existait un gouvernement qui eût intérêt à corrompre ses gouvernés, il n'aurait qu'à encourager l'usage du hachisch.
Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère ! Mais parmi les chacals, les panthères, les lices, [ ] Dans la ménagerie infâme de nos vices, Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde ! Quoiquil ne pousse ni grands gestes ni grands cris, Il ferait volontiers de la terre un débris Et dans un bâillement avalerait le monde ; Cest lEnnui !
Le Poète est semblable au princes des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. Les Fleurs du mal (1857), Charles Baudelaire, éd. Librairie Garnier Frères, 1949, partie Spleen et idéal, II (L'Albatros), p. 12 (texte intégral sur Wikisource)
La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles ; Lhomme y passe à travers des forêts de symboles Qui lobservent avec des regards familiers.
Homme libre, toujours tu chériras la mer.
Elle pleure, insensé, parce qu'elle a vécu! Et parce qu'elle vit! Mais ce qu'elle déplore Surtout, ce qui la fait frémir jusqu'aux genoux, C'est que demain, hélas! il faudra vivre encore! Demain, aprés-demain et toujours! - comme nous!
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées ! Que l'espace est profond ! Que le cur est puissant !
Grands bois, vous meffrayez comme des cathédrales ; Vous hurlez comme lorgue ; et dans nos curs maudits, Chambres déternel deuil où vibrent de vieux râles, Répondent les échos de vos De profundis.
Horloge ! Dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi ! Les vibrantes Douleurs dans ton cur plein d'effroi Se planteront bientôt comme dans une cible. [ ] Souviens-toi que le temps est un joueur avide Qui gagne sans tricher, à tout coup ! cest la loi. [ ] Tantôt sonnera lheure où le divin Hasard, Où lauguste Vertu, ton épouse encor vierge, Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge ! ), Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »
Saint Pierre a renié Jésus il a bien fait !
C'est la Mort qui console, hélas ! Et qui fait vivre; C'est le but de la vie, et c'est le seul espoir Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre, Et nous donne le cur de marcher jusqu'au soir.
Car cest vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage Que nous puissions donner de notre dignité Que cet ardent sanglot qui roule dâge en âge Et vient mourir au bord de votre éternité !
LHumanité bavarde, ivre de son génie, Et, folle maintenant comme elle était jadis, Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie : « Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis ! »
L'étude du beau est un duel où l'artiste crie de frayeur avant d'être vaincu.
Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ?
Et à quoi bon exécuter des projets, puisque le projet est en lui-même une jouissance suffisante ?
Il est aussi difficile de supposer une mère sans amour maternel qu'une lumière sans chaleur
J'ouvre le Kreisleriana du divin Hoffmann, et j'y lis une curieuse recommandation. Le musicien consciencieux doit se servir du vin de Champagne pour composer un opéra-comique. Il y trouvera la gaieté mousseuse et légère que réclame le genre. La musique religieuse demande du vin du Rhin ou du Jurançon. Comme au fond des idées profondes, il y a là une amertume enivrante; mais la musique héroïque ne peut pas se passer de vin de Bourgogne. Il a la fougue sérieuse et l'entraînement du patriotisme. Voilà certainement qui est mieux, et outre le sentiment passionné d'un buveur, j'y trouve une impartialité qui fait le plus grand honneur à un Allemand.
Mais voici bien autre chose. Descendons un peu plus bas. Contemplons un de ces êtres mystérieux, vivant, pour ainsi dire, des déjections des grandes villes; car il y a de singuliers métiers, le nombre en est immense. J'ai quelquefois pensé avec terreur qu'il y avait des métiers qui ne comportaient aucune joie, des métiers sans plaisir, des fatigues sans soulagement, des douleurs sans compensation, je me trompais. Voici un homme chargé de ramasser les débris d'une journée de la capitale. Tout ce que la grande cité a rejeté, tout ce qu'elle a perdu, tout ce qu'elle a dédaigné, tout ce qu'elle a brisé, il le catalogue, il le collectionne. Il compulse les archives de la débauche, le capharnaum des rebuts. Il fait un triage, un choix intelligent; il ramasse, comme un avare un trésor, les ordures qui, remâchées par la divinité de l'Industrie, deviendront des objets d'utilité ou de jouissance.
C'était l'explosion du nouvel an : chaos de boue et de neige, traversé de mille carrosses, étincelant de joujoux et de bonbons, grouillant de cupidités et de désespoirs, délire officiel d'une grande ville fait pour troubler le cerveau du solitaire le plus fort.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude : jouir de la foule est un art ; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage.
Pour moi, si je me penche vers la belle Féline, la si bien nommée, qui est à la fois l'honneur de son sexe, l'orgueil de mon coeur et le parfum de mon esprit, que ce soit la nuit, que ce soit le jour, dans la pleine lumière ou dans l'ombre opaque, au fond de ses yeux adorables je vois toujours l'heure distinctement, toujours la même, une heure vaste, solennelle, grande comme l'espace, sans division de minutes ni de secondes, une heure immobile qui n'est pas marquée sur les horloges, et cependant légère comme un soupir, rapide comme un coup d'oeil.
Dans l'ardent foyer de ta chevelure, je respire l'odeur du tabac mêlée à l'opium et au sucre ; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l'infini de l'azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure, je m'enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l'huile de coco.
Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs.
Le visage du premier Satan était d'un sexe ambigu, et il y avait aussi, dans les lignes de son corps, la mollesse des anciens Bacchus. Ses beaux yeux languissants, d'une couleur ténébreuse et indécise, ressemblaient à des violettes chargées encore des lourds pleurs de l'orage, et ses lèvres entrouvertes à des cassolettes chaudes, d'où s'exhalait la bonne odeur d'une parfumerie ; et à chaque fois qu'il soupirait, des insectes musqués s'illuminaient, en voletant, aux ardeurs de son souffle.
Le gros Satan, tapait avec son poing sur son immense ventre, d'où sortait alors un long et retentissant cliquetis de métal, qui se terminait en un vague gémissement fait de nombreuses voix humaines. Et il riait, en montrant impudemment ses dents gâtées, d'un énorme rire imbécile, comme certains hommes de tous les pays quand ils ont trop bien dîné.
Le voici qui, à la clarté sombre des réverbères tourmentés par le vent de la nuit, remonte une des longues rues tortueuses et peuplées de petits ménages de la montagne Sainte-Geneviève.
L'imagination est la reine du vrai, et le possible est une des provinces du vrai. Elle est positivement apparentée avec l'infini. Sans elle, toutes les facultés, si solides ou si aiguisées qu'elles soient, sont comme si elles n'étaient pas, tandis que la faiblesse de quelques facultés secondaires, excitées par une imagination vigoureuse, est un malheur secondaire. Aucune ne peut se passer d'elle, et elle peut suppléer quelques-unes. Souvent ce que celles-ci cherchent et ne trouvent qu'après les essais successifs de plusieurs méthodes non adaptées à la nature des choses, fièrement et simplement elle le devine. Enfin elle joue un rôle puissant même dans la morale; car, permettez-moi d'aller jusque-là, qu'est-ce que la vertu sans imagination ?
Puisse ce legs nêtre remis que dans un temps infiniment reculé ; puisse ce pénétrant écrivain, ce malade charmant jusque dans ses moqueries, nous être conservé plus longtemps encore que le fragile Voltaire, qui mit, comme on a dit, quatre-vingt-quatre ans à mourir !
Hélas ! les vices de lhomme, si pleins dhorreur quon les suppose, contiennent la preuve (quand ce ne serait que leur infinie expansion !) de son goût de linfini.
Lhomme qui, dès le commencement, a été longtemps baigné dans la molle atmosphère de la femme, dans lodeur de ses mains, de son sein, de ses genoux, de sa chevelure, de ses vêtements souples et flottants, Dulce balneum suavibus Unguentatum odoribus, y a contracté une délicatesse dépiderme et une distinction daccent, une espèce dandrogynéité, sans lesquelles le génie le plus âpre et le plus viril reste, relativement à la perfection dans lart, un être incomplet.
Dans le sommeil, ce voyage aventureux de tous les soirs, il y a quelque chose de positivement miraculeux ; cest un miracle dont la ponctualité a émoussé le mystère.
La vue d'une femme belge me donne une vague envie de m'évanouir. Le Dieu Éros lui-même, s'il voulait glacer immédiatement tous ses feux, n'aurait qu'à contempler le visage d'une Belge.
De Maistre et Edgar Poe m'ont appris à raisonner.
La femme est naturelle, c'est-à-dire abominable.
Être un homme utile m'a toujours paru quelque chose de bien hideux.
La croyance au progrès est un doctrine de paresseux, une doctrine de Belges. C'est l'individu qui compte sur ses voisins pour faire sa besogne.
Il n'y a de gouvernement raisonnable et assuré que l'aristocratique. Monarchie ou république basées sur la démocratie sont également absurdes et faibles.
L'être le plus prostitué, c'est l'être par excellence, c'est Dieu, puisqu'il est l'ami suprême pour chaque individu, puisqu'il est le réservoir commun, inépuisable de l'amour.
Il n'y a de grand parmi les hommes que le poète, le prêtre et le soldat, l'homme qui chante, l'homme qui bénit, l'homme qui sacrifie et se sacrifie. Le reste est fait pour le fouet.
Les nations n'ont de grands hommes que malgré elles. Donc, le grand homme est vainqueur de toute sa nation.
Avis aux non-communistes : Tout est commun, même Dieu.
Quand Jésus-Christ dit : « Heureux ceux qui sont affamés car ils seront rassasiés », Jésus-Christ fait un calcul de probabilités.
Aimer les femmes intelligentes est un plaisir de pédéraste.
Ce qu'il y a d'enivrant dans le mauvais goût, c'est le plaisir aristocratique de déplaire.
La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable.
La passion frénétique de l'art est un chancre qui dévore le reste.
Parmi l'énumération nombreuse des droits de l'homme que la sagesse du XIXe siècle recommence si souvent et si complaisamment, deux assez importants ont été oubliés, qui sont le droit de se contredire et le droit de s'en aller.
La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas.
« La musique creuse le ciel. »
Le beau est toujours bizarre.
Sois charmante et tais-toi !
Image, ma seule, mon unique passion.
Le noir est l'uniforme de la démocratie.
La fidélité est un vice de pauvre.
Seule l'histoire n'a pas de fin.
Plus on veut, mieux on veut.
L'étrangeté est le condiment nécessaire de toute beauté.
Dieu est un scandale. Un scandale qui rapporte.
Jouir de la foule est un art.
Le travail, n'est-ce pas le sel qui conserve les âmes momies
Ce qui est créé par lesprit est plus vivant que la matière.
Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille !
La poésie n'a pas d'autre but qu'elle-même.
La mythologie est un dictionnaire d'hiéroglyphes vivants.
Un éclectique est un navire qui voudrait marcher avec quatre vents.
La vie a une fin, le chagrin n'en a pas.
Plus l'homme cultive les arts, moins il bande.
Le génie, c'est l'enfance retrouvée à volonté.
Manier savamment une langue, c'est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire.
Dieu serait injuste si nous n'étions pas coupables.
La superstition est le réservoir de toutes les vérités.
La forme dune ville change plus vite, hélas, que le coeur des mortels.
Les vrais voyageurs sont ceux-là qui partent pour partir.
Le parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Toute révolution a pour corollaire le massacre des innocents.
Les chinois voient l'heure dans l'oeil des chats.
Ce que la bouche s'accoutume à dire, le coeur s'accoutume à le croire.
Les polissons sont amoureux, mais les poètes sont idolâtres.
Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance comme un divin remède à nos impuretés !
Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit.
J'aime passionnément le mystère, parce que j'ai toujours l'espoir de le débrouiller.
Dieu est le seul être qui, pour régner, n'ait même pas besoin d'exister.
Tout homme bien portant peut se passer de manger pendant deux jours, de poésie, jamais.
Quand même Dieu n'existerait pas, la religion serait encore sainte et divine.
Tout homme qui n'accepte pas les conditions de la vie, vend son âme.
Le premier venu, pourvu qu'il sache amuser, a le droit de parler de lui-même.
Le Ciel ! Couvercle noir de la grande marmite Où bout l'imperceptible et vaste Humanité.
Le cri du sentiment est toujours absurde ; mais il est sublime, parce qu'il est absurde.
Comme l'imagination a créé le monde, elle le gouverne. Curiosités Esthétiques
Un homme qui ne boit que de l'eau a un secret à cacher à ses semblables. Du Vin et du haschisch
Il n'y a de long ouvrage que celui qu'on n'ose pas commencer. Il devient cauchemar.
Faut-il qu'un homme soit tombé bas pour se croire heureux.
Le diable, je suis bien obligé d'y croire, car je le sens en moi !
Le public est relativement au génie une horloge qui retarde.
Le stoïcisme, religion qui n'a qu'un sacrement : le suicide !
Le poète est semblable au prince des nuées. Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
D'autres auteurs d'aphorismes
Arthur Schopenhauer
Charles Bukowski
Tout portrait peint compréhensivement est un portrait de lartiste, non du modèle.
Oscar Wilde